CONFÉRENCE - DÉBAT SUR LES LABELS : Fait-il encore réellement bio ?


 

 L'AMAP a pour but de fournir des paniers de légumes bio mais aussi de mener des actions d’information et de sensibilisation. Cette soirée-débat du samedi 28 mars "Fait-il réellement toujours bio ou comment s'y retrouver dans les labels et la qualité des produits alimentaires ?" est proposée dans le cadre de la semaine des alternatives aux pesticides, cette conférence-débat est présentée par Isabelle Deravin, présidente de l'AMAP, animée par Jean-Roland Barthélemy, membre de l’AMAP, avec la participation de Yves Guibert, arboriculteur bio, Michel Olivier, membre de l’AMAP enseignant, et le concours de Jean Marie Bayle, de la CLCV antenne locale. Elle a été suivie par 80 personnes.

 

Un extrait du film : "On n'est pas que des pigeons" introduit le sujet et ses problématiques.

Historique :

 

A l'initiative d'acteurs privés dans les années 1970 - 80, le bio a été ensuite encadré par les pouvoirs publics français (1986) puis intégré dans l'ensemble des signes de qualité officiels (création de la marque « AB » en 1993). En 2009 la filière Bio en France est passée dans la sphère réglementaire européenne. L'Eurofeuille remplace le logo AB.

 

Ce passage marque une étape significative dans la baisse du niveau d’exigences des cahiers des charges de la filière Bio (adaptés pour favoriser le Bio « intensif » voire « industriel » ) qui se poursuivra et auquel il faut être très vigilant.

 

Sous la pression du réseau Farre, composé d'entreprises du secteur chimique et agro-alimentaire, dont Monsanto, et soutenu par la FNSEA, la qualification d'agriculture raisonnée a été créée par Décret du 25/02/2002 sur la base d'un référentiel environnemental inconsistant (et d’organismes certificateurs liés à ces entreprises). On peut indiquer les paroles de Yves Guibert lors de la conférence :" l'agriculture raisonnée n'est rien d'autre que de l'agriculture conventionnelle, elle se limite à respecter les normes en vigueur".

 

Depuis 2004, par décision du tribunal administratif de Paris, l'association FARRE n'est plus agréée en tant que association de protection de l'environnement (L. 141-1 du code de l'environnement).

 

Labels - Marques - Appellations :

 

Label, mot anglais, signifiant étiquette. Souvent utilisé par commodité, il peut cacher des réalités très différentes en termes de qualité. On peut aussi utiliser des termes équivalents mais plus précis comme : « marque » ou « signes » de qualité, voir "logo".

 

Marques commerciales, de qualité, officielles, privées, l'offre est foisonnante. L'obtention d'un signe de qualité passe par le respect d'un cahier des charges et un contrôle par des organismes agréés par l’État.

 

Certaines structures professionnelles comme Nature et Progrès (1972), Démeter (1932) , Bio Cohérence (2010), gèrent leur propre marque sur la base de cahiers des charges privés qui vont au-delà de la règlementation bio AB en vigueur.

 

Le système de « Nature et Progrès », évoqué par Thérèse Meunier, membre de l’AMAP, inclut de fortes exigences sociales et de proximité. Sa conception (Systèmes Participatifs de Garantie) du contrôle du cahier des charges consiste à mettre en place un contrôle croisé par les membres, consommateurs et producteurs. Il conserve sa philosophie très exigeante des pionniers du Bio.

Questions-réponses :

 

Un temps de question-réponse a ponctué chaque point de la présentation.

 

Quels pesticides sont autorisés par les chartes bio, notamment face aux attaques nouvelles ?

 

Yves Guibert détaille le traitement chimique qu'en tant qu’arboriculteur bio, il est autorisé à utiliser. Il se réduit au strict minimum avec des produits autorisés par le cahier des charges de l'A.B.

 

-  Les écarts de prix notés à la vente de pommes peuvent s'expliquer par le temps passé selon les variétés de fruits.

 

Didier Array, le maraîcher de l’Amap fait aussi part de son expérience.

 

Tous deux insistent sur le rôle crucial du consommateur. Selon eux, les choix d'achat du consom'acteur influent sur l'offre en produits bio, c'est à dire les variétés qui seront cultivées et leurs qualités. Ces choix influent directement sur l'évolution du marché et la définition du bio.

 

Michel Daverat, conseiller régional, souligne que la demande en bio est supérieure à l'offre. Le foncier en France est un véritable problème. Actuellement les surfaces cultivées en Bio représentent un peu moins de 4% des surfaces agricoles. L'objectif de 2012 était de 6% et celui de 2020 du Grenelle de l'environnement (20 %) ne sera pas atteint. Pour répondre à la demande de bio, des produits arrivent de tous les pays du monde ne répondant pas aux critères de développement durable et tirant les exigences du bio vers le bas pour permettre une plus grande quantité produite.

 

L'AMAP insiste sur la nécessité de produire localement dans une exploitation de taille limitée. Le but est de multiplier les AMAP et non de grossir les exploitations

 

Quelle différence entre les exigences des cahiers des charges ? Quelle fiabilité ont les certifications pour des produits importés d’autres continents, où les contrôles seraient moins sérieux ?

 

Il a été souligné que les cahiers des charges étaient certes plutôt rigoureux sur les produits utilisés, mais ne remplaçaient pas le lien direct avec le producteur et la « philosophie » de celui-ci. Aucun cahier des charges ne permet réellement de couvrir toutes les dérives et l’évolution, avec le temps, vers une « industrialisation du bio », principalement distribué par les grandes surfaces.

 

La concentration des terres sous la houlette de groupes, élimine progressivement la possibilité d’installer de petites exploitations familiales. Quelle alternative ? Le système de « Nature et Progrès », mais aussi une meilleure information du consommateur, via l’étiquetage, sur la qualité de produits de la petite agriculture familiale et les doutes sur l’alimentation industrielle, fut elle « bio ».

 

Le consom'acteur est invité à la plus grande vigilance : origine du produit (visible sous l'eurofeuille ou AB, notamment la mention Agriculture non UE ), composition (la liste des adjuvants autorisés est consultable sur les sites de l’UE), contrôle (l'absence régulière de contrôles annoncés annuels a été mise en lumière par des journalistes).

Et les huîtres du bassin d'Arcachon ?

 

En présentant les marques des produits régionaux et de la mer, Jean Marie Bayle de la CLCV attire notre attention sur l’étiquetage des huîtres, qui ne permet actuellement pas de distinguer les productions naturelles des huîtres triploïdes d'écloseries.

 

Une ostréicultrice, Angelika Herman membre de l’association Ostréiculteurs traditionnels Huîtres nées en mer nous livre son combat pour obtenir des pouvoirs publics un étiquetage différenciant l'origine des huîtres : née en mer ou en écloserie. Les risques de contamination de la ressource naturelle sont importants, les huîtres artificielles n'étant pas stériles à 100 %.

 

Conclusion :

 

Un changement d'habitudes : modifier sa consommation en respectant, par exemple, les saisons- se révèle salutaire et économique pour compenser le prix plus élevé des produits bio.

 

Privilégier les circuits courts permet aussi de mieux maîtriser l'origine de ce que l'on consomme.

 

La pression des consommateurs pour obtenir un étiquetage plus informatif doit se développer, parallèlement aux actions des groupements de producteurs.

 

La présidente de l'AMAP conclut cette soirée en présentant le 3ème axe de travail de l'association : la recherche de foncier destiné aux petites exploitations familiales en bio. Problème ardu car l'aménagement d'une ceinture maraichère ne fait manifestement pas partie des priorités de l'agglomération.

 

Un grand merci à l’équipe qui a organisé la soirée, notamment Sylvie Laporte et Michel Arbez, Thérèse Meunier, Jean-Roland Barthelemy ainsi que les trois intervenants, Yves Guibert, Michel Olivier et Jean Marie Bayle.

 

[1] Que l’on retrouve même sur des produits connus pour leur qualité, mais victimes de leur succès en grande surface : il faut regarder de près chaque étiquette et ne pas faire confiance à la marque ou au label.

 

[2] Notamment sur la présence de résidus de pesticides et sur l’origine naturelle des productions.